En matière de droit à la conduite et de sécurité routière, quand une proposition de loi émane d’un député Horizons, la méfiance est forcément de mise. Après tout, il y a un sérieux précédent ! Horizons est le parti d’Édouard Philippe, le Premier ministre des fameux 80 km/h, mesure si controversée et à l’origine de bien des problèmes pour l’ensemble des 40 millions de permis en France, et le symbole flagrant de la déconnexion du législateur.
Finalement… Tous concernés !
Les lignes directrices :
La proposition de loi souligne les limites du cadre actuel, qui n’impose des contrôles médicaux que dans des cas spécifiques, comme après un retrait de permis pour conduite sous l’empire d’alcool ou de stupéfiants. Afin de pallier ces limites, des solutions sont donc proposées :
À noter donc, que tous les conducteurs (des permis A moto et B auto) sont concernés. Si cette loi vient à être adoptée, ces derniers devront ainsi passer régulièrement un examen médical. La préfecture statuera ensuite sur la délivrance, le renouvellement ou, le cas échéant, la suspension du permis de conduire. Une contrainte supplémentaire pour le moins arbitraire, qui ne vise pas seulement les conducteurs à risque ou les cas exceptionnels déjà prévus par la loi, mais qui s’applique à tous, sans exception, et ce sans qu’aucun indice individuel de dangerosité ne soit établi.
L’examen médical viserait ainsi à :
Un examen pratique pourrait également être imposé aux conducteurs âgés pour évaluer :
Et si le contrôle médical décèle des problèmes ?
Si une inaptitude est constatée, le conducteur pourra se voir imposer :
La proposition de loi souligne les limites du cadre actuel, qui n’impose des contrôles médicaux que dans des cas spécifiques, comme après un retrait de permis pour conduite sous l’empire d’alcool ou de stupéfiants. Afin de pallier ces limites, des solutions sont donc proposées :
- Imposer une visite médicale pour la délivrance du permis de conduire, donc pour les jeunes;
- Rendre obligatoire une visite médicale tous les 15 ans pour tous les conducteurs;
- Instaurer un contrôle médical tous les 5 ans à partir de 70 ans, puis tous les 2 ans après 75 ans.
À noter donc, que tous les conducteurs (des permis A moto et B auto) sont concernés. Si cette loi vient à être adoptée, ces derniers devront ainsi passer régulièrement un examen médical. La préfecture statuera ensuite sur la délivrance, le renouvellement ou, le cas échéant, la suspension du permis de conduire. Une contrainte supplémentaire pour le moins arbitraire, qui ne vise pas seulement les conducteurs à risque ou les cas exceptionnels déjà prévus par la loi, mais qui s’applique à tous, sans exception, et ce sans qu’aucun indice individuel de dangerosité ne soit établi.
L’examen médical viserait ainsi à :
- Évaluer la vue, l’audition, les réflexes et les fonctions cognitives;
- Dépister d’éventuels troubles cognitifs liés à l'âge;
- Vérifier les effets de traitements médicaux sur les aptitudes à conduire.
Un examen pratique pourrait également être imposé aux conducteurs âgés pour évaluer :
- La maîtrise de la conduite automobile en conditions réelles;
- Les connaissances des règles de circulation, l’attention et la concentration, la réactivité et la gestion du stress.
Et si le contrôle médical décèle des problèmes ?
Si une inaptitude est constatée, le conducteur pourra se voir imposer :
- Un stage de remise à niveau dans une auto-école spécialisée;
- Un permis restreint à certains usages : horaires diurnes, trajets locaux… ;
- La conduite obligatoire d’un véhicule adapté ou équipé de systèmes d’aide à la conduite;
- Le retrait temporaire ou définitif du permis de conduire.
De la prudence en façade à la stigmatisation en pratique ?
Ce que disent les chiffres
Selon la Sécurité routière, les conducteurs de plus de 75 ans sont jugés responsables dans 81 % des accidents mortels les impliquant — un taux similaire à celui des 18-24 ans… Ces chiffres battent en brèche l’idée reçue d’une plus grande dangerosité des seniors. Car, bien que les mesures proposées ne s’adressent pas exclusivement à ces derniers, certaines dispositions leur sont néanmoins spécifiquement dédiées.
On agite le spectre du conducteur âgé supposément dangereux, mais on oublie de dire que certaines pathologies, telles que les troubles cognitifs ou les troubles visuels, peuvent également concerner des conducteurs plus jeunes, voire beaucoup plus jeunes. Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur les risques éventuels liés à l’âge. Mais il y a l’art et la manière…
Une loi qui rebat les cartes du lien social
Selon l’enquête Mobilité des personnes réalisée entre 2018 et 2019, les personnes âgées se déplacent principalement en voiture. En effet, 64,4 % des 65-74 ans et 56,5 % des plus de 75 ans l’utilisent pour leurs déplacements.
Cette mesure, en conditionnant drastiquement l’accès au permis de conduire, risque donc de pénaliser lourdement les seniors, pour qui la mobilité est un facteur clé d’autonomie, de liberté et de vie sociale, notamment dans les zones rurales.
Le risque ? Voir le lien social se rompre, notamment pour les personnes âgées vivant en milieu rural, où l’absence d’alternatives efficaces à la voiture peut rapidement conduire à l’isolement. D’aucuns parlent d’une « mort sociale » chez les personnes les plus âgées, qui pourraient perdre à jamais leur permis de conduire.
Si le collectif "Sauver des vies c’est permis" prône cette mesure, et comme le souligne la FFMC (Fédération Française des Motards en Colère), le CNSR (Conseil National de la Sécurité Routière) s’était déjà positionné sur cette question : « l’âge en lui-même n’est pas un facteur de risque significatif, mais certaines pathologies liées au vieillissement peuvent l’être ». Plutôt qu’une visite médicale obligatoire, le CNSR recommande une auto-évaluation et un meilleur accompagnement médical.
Selon la Sécurité routière, les conducteurs de plus de 75 ans sont jugés responsables dans 81 % des accidents mortels les impliquant — un taux similaire à celui des 18-24 ans… Ces chiffres battent en brèche l’idée reçue d’une plus grande dangerosité des seniors. Car, bien que les mesures proposées ne s’adressent pas exclusivement à ces derniers, certaines dispositions leur sont néanmoins spécifiquement dédiées.
On agite le spectre du conducteur âgé supposément dangereux, mais on oublie de dire que certaines pathologies, telles que les troubles cognitifs ou les troubles visuels, peuvent également concerner des conducteurs plus jeunes, voire beaucoup plus jeunes. Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur les risques éventuels liés à l’âge. Mais il y a l’art et la manière…
Une loi qui rebat les cartes du lien social
Selon l’enquête Mobilité des personnes réalisée entre 2018 et 2019, les personnes âgées se déplacent principalement en voiture. En effet, 64,4 % des 65-74 ans et 56,5 % des plus de 75 ans l’utilisent pour leurs déplacements.
Cette mesure, en conditionnant drastiquement l’accès au permis de conduire, risque donc de pénaliser lourdement les seniors, pour qui la mobilité est un facteur clé d’autonomie, de liberté et de vie sociale, notamment dans les zones rurales.
Le risque ? Voir le lien social se rompre, notamment pour les personnes âgées vivant en milieu rural, où l’absence d’alternatives efficaces à la voiture peut rapidement conduire à l’isolement. D’aucuns parlent d’une « mort sociale » chez les personnes les plus âgées, qui pourraient perdre à jamais leur permis de conduire.
Si le collectif "Sauver des vies c’est permis" prône cette mesure, et comme le souligne la FFMC (Fédération Française des Motards en Colère), le CNSR (Conseil National de la Sécurité Routière) s’était déjà positionné sur cette question : « l’âge en lui-même n’est pas un facteur de risque significatif, mais certaines pathologies liées au vieillissement peuvent l’être ». Plutôt qu’une visite médicale obligatoire, le CNSR recommande une auto-évaluation et un meilleur accompagnement médical.
Sortir du tout-repressif
Sensibiliser et responsabiliser plutôt que pénaliser
Dès lors que des examens médicaux réguliers existent déjà pour certaines pathologies et pour certains permis soumis à un suivi spécifique, ne conviendrait-il pas plutôt, comme le préconise le CNSR, de mieux informer sans généraliser les contrôles, de prioriser les pathologies à risque, former les professionnels de santé, impliquer les usagers dans le partage d’informations médicales, et structurer un réseau de médecins agréés mieux formés ?
De son côté, l’association "40 millions d’automobilistes" n’en démord pas : il faut privilégier « des approches incitatives et constructives. […] Il s’agit d’encourager, non de contraindre ni de sanctionner ». Du cas par cas, donc, et des conducteurs sensibilisés et responsabilisés.
Prendre conscience des vrais enjeux
Focaliser sur une « visite médicale universelle » ne fera pas baisser la vitesse et ne réduira pas l’imprudence liée à l’alcool ou aux stupéfiants. De la même façon, adopter pareille mesure, c’est feindre d’ignorer les enjeux réels en matière de sécurité routière.
Pourquoi ne pas commencer, par exemple, par :
Pour prévenir l’isolement des seniors, les pouvoirs publics misent sur des solutions de mobilité adaptées : transport à la demande en zone rurale, tarifs préférentiels pour les transports en commun, promotion du covoiturage ou développement d’infrastructures cyclables. L’objectif : garantir le droit à la mobilité des seniors, même lorsque la conduite n'est plus possible.
Reste à envisager une réalité passée sous silence : ces conducteurs, soudainement contraints de devenir piétons ou cyclistes… Réellement salvateur ou pour le moins accidentogène ?
Dès lors que des examens médicaux réguliers existent déjà pour certaines pathologies et pour certains permis soumis à un suivi spécifique, ne conviendrait-il pas plutôt, comme le préconise le CNSR, de mieux informer sans généraliser les contrôles, de prioriser les pathologies à risque, former les professionnels de santé, impliquer les usagers dans le partage d’informations médicales, et structurer un réseau de médecins agréés mieux formés ?
De son côté, l’association "40 millions d’automobilistes" n’en démord pas : il faut privilégier « des approches incitatives et constructives. […] Il s’agit d’encourager, non de contraindre ni de sanctionner ». Du cas par cas, donc, et des conducteurs sensibilisés et responsabilisés.
Prendre conscience des vrais enjeux
Focaliser sur une « visite médicale universelle » ne fera pas baisser la vitesse et ne réduira pas l’imprudence liée à l’alcool ou aux stupéfiants. De la même façon, adopter pareille mesure, c’est feindre d’ignorer les enjeux réels en matière de sécurité routière.
Pourquoi ne pas commencer, par exemple, par :
- Faciliter l’achat de véhicules récents et mieux équipés en dispositifs de sécurité active (freinage d’urgence automatique, aide au maintien dans la voie, détection des angles morts, etc.);
- Améliorer les infrastructures routières;
- Renforcer la sensibilisation des jeunes conducteurs aux dangers de l’alcool et des stupéfiants au volant (campagnes ciblées, déploiement de technologies de dépistage…).
Pour prévenir l’isolement des seniors, les pouvoirs publics misent sur des solutions de mobilité adaptées : transport à la demande en zone rurale, tarifs préférentiels pour les transports en commun, promotion du covoiturage ou développement d’infrastructures cyclables. L’objectif : garantir le droit à la mobilité des seniors, même lorsque la conduite n'est plus possible.
Reste à envisager une réalité passée sous silence : ces conducteurs, soudainement contraints de devenir piétons ou cyclistes… Réellement salvateur ou pour le moins accidentogène ?
Coût, faisabilité et efficacité : une équation hasardeuse
Quid du financement d’une telle mesure ?
L’article 2 du projet de loi annonce que l'État financerait cette loi en augmentant la taxe sur le tabac pour compenser les coûts. La question de la prise en charge des coûts par les conducteurs ou l'État reste, ceci-dit, un point de débat législatif. Il n'est pas précisé que la visite médicale sera prise en charge par la Sécurité sociale. Certaines professions, qui doivent déjà passer des visites médicales régulières, paient actuellement 36 euros (non remboursés). Ainsi, la visite médicale obligatoire pourrait être à la charge des conducteurs… Des aides locales, régionales ou issues des caisses de retraite pourraient néanmoins prendre en charge le coût de ces examens médicaux, des formations ou des stages.
Par ailleurs, imposer « la conduite d’un véhicule adapté ou équipé de systèmes d’aide à la conduite » en cas de problèmes décelés lors de la visite médicale… Qui finance l’achat dudit véhicule ?
40 millions de conducteurs à examiner : un pari ambitieux
Si la loi est adoptée, plus de 40 millions de conducteurs (automobilistes et motards confondus) devront se soumettre à une visite médicale périodique. Dans un secteur déjà exsangue, le défi s’annonce de taille, quel que soit le professionnel habilité — médecin généraliste ou agréé. Il deviendra alors indispensable de renforcer les effectifs de médecins agréés ou d’imaginer des solutions alternatives pour garantir la faisabilité et l’équité du dispositif.
Certains pays déchantent…
Si 14 pays européens appliquent déjà cette mesure, des études en ont néanmoins révélé les limites, à savoir aucun impact notable sur l’accidentologie ou la baisse de la mortalité, même chez les seniors. Certains pays nordiques y ont ainsi renoncé, jugeant ces contrôles inefficaces, discriminants et anxiogènes. L’option retenue une fois encore : la responsabilité individuelle et le suivi médical personnalisé.
Quel avenir pour cette mesure ?
Face au projet européen d’imposer une évaluation médicale ou comportementale pour le renouvellement du permis de conduire, la France temporise. Sur le terrain politique, en effet, la réforme suscite des réserves. Plusieurs membres du gouvernement rappellent que la mobilité, notamment en zone rurale, est un enjeu crucial. La faisabilité même de la réforme soulève des interrogations. Ces visites médicales obligatoires engendreraient, de fait, un surcoût pour la Sécurité sociale, alors que les priorités budgétaires vont plutôt dans le sens de la réduction des dépenses. De plus, de réelles difficultés à mobiliser des médecins, dans un secteur déjà en tension, interrogent.
Enfin, faire du permis un labyrinthe bureaucratique et un parcours d’obstacles kafkaïen menant à mal les libertés individuelles, le doute est permis…
L’article 2 du projet de loi annonce que l'État financerait cette loi en augmentant la taxe sur le tabac pour compenser les coûts. La question de la prise en charge des coûts par les conducteurs ou l'État reste, ceci-dit, un point de débat législatif. Il n'est pas précisé que la visite médicale sera prise en charge par la Sécurité sociale. Certaines professions, qui doivent déjà passer des visites médicales régulières, paient actuellement 36 euros (non remboursés). Ainsi, la visite médicale obligatoire pourrait être à la charge des conducteurs… Des aides locales, régionales ou issues des caisses de retraite pourraient néanmoins prendre en charge le coût de ces examens médicaux, des formations ou des stages.
Par ailleurs, imposer « la conduite d’un véhicule adapté ou équipé de systèmes d’aide à la conduite » en cas de problèmes décelés lors de la visite médicale… Qui finance l’achat dudit véhicule ?
40 millions de conducteurs à examiner : un pari ambitieux
Si la loi est adoptée, plus de 40 millions de conducteurs (automobilistes et motards confondus) devront se soumettre à une visite médicale périodique. Dans un secteur déjà exsangue, le défi s’annonce de taille, quel que soit le professionnel habilité — médecin généraliste ou agréé. Il deviendra alors indispensable de renforcer les effectifs de médecins agréés ou d’imaginer des solutions alternatives pour garantir la faisabilité et l’équité du dispositif.
Certains pays déchantent…
Si 14 pays européens appliquent déjà cette mesure, des études en ont néanmoins révélé les limites, à savoir aucun impact notable sur l’accidentologie ou la baisse de la mortalité, même chez les seniors. Certains pays nordiques y ont ainsi renoncé, jugeant ces contrôles inefficaces, discriminants et anxiogènes. L’option retenue une fois encore : la responsabilité individuelle et le suivi médical personnalisé.
Quel avenir pour cette mesure ?
Face au projet européen d’imposer une évaluation médicale ou comportementale pour le renouvellement du permis de conduire, la France temporise. Sur le terrain politique, en effet, la réforme suscite des réserves. Plusieurs membres du gouvernement rappellent que la mobilité, notamment en zone rurale, est un enjeu crucial. La faisabilité même de la réforme soulève des interrogations. Ces visites médicales obligatoires engendreraient, de fait, un surcoût pour la Sécurité sociale, alors que les priorités budgétaires vont plutôt dans le sens de la réduction des dépenses. De plus, de réelles difficultés à mobiliser des médecins, dans un secteur déjà en tension, interrogent.
Enfin, faire du permis un labyrinthe bureaucratique et un parcours d’obstacles kafkaïen menant à mal les libertés individuelles, le doute est permis…